Les régates de prestige

Cannes en 1850 :

Cela fait 16 ans que Lord Brougham (prononcez Broum), ex chancelier d’Angleterre, s’est fixé à Cannes avec sa famille, et fait connaître ce site à ses amis anglais. Sous son influence, Cannes se développe.

Le bourg compte alors 4068 habitants (1240 électeurs dont 360 sont rattachés aux professions maritimes et 70 douaniers) sur une bande de terrain allant de la mer à la Ferrage, limitée à l’est par la rue Bossu (aujourd’hui rue des Bellages) et à l’ouest par le versant un inculte du Mont Saint-Michel.

L’évolution de la population est assez rapide pendant le second empire et le début de la troisième république. Cannes passe de 7 357 habitants en 1866 à 10 140 en 1872, 20 000 en 1887 pour atteindre 60 000 en 1964.

L’étang de la pointe croisette et comblé en 1857 ; le Boulevard de l’Impératrice, l’actuelle Croisette, est tracé en 1860. La Marine, aujourd’hui les Allées, reçoit une première plantation de platanes en 1853, une deuxième en 1857 et ses fontaines en 1868.

Le premier train est arrivé à Cannes le 10 avril 1863. Il avait mis 21h et 28 minutes depuis Paris ! La ligne s’arrêtait alors à Cagnes sur Mer car le comté de Nice n’a été rattaché à la France quand 1860.

Le canal de la Siagne terminé en 1868 permet d’alimentation en eau douce de la ville.

En ce qui concerne le port, le môle commencé en 1837 est inauguré en 1838, le phare en 1856. Ce port est bien protégé du Mistral mais pas du vent d’est. Grâce au môle la terrible tempête du 10 février 1854 ne fera pas autant de dégâts que celle de 1832. La première pierre de la jetée Albert-Édouard sera posée le 10 mars 1898.

Et la voile ?

Avant 1860 les pêcheurs disputent quelques courses à la rame sur la pointe.

En 1857 le premier yacht construit à cannes par Honoré Arluc fut celui de Léopold Bucquet.

Les premières régates de plaisanciers on lieu le 25 avril 1859 organisée par Léopold Bucquet et sous le patronage de Lord Brougham.

La population a pu y admirer :

Quatre yacht prestigieux :  Léro (de 1858, à Alphonse Goian), Jeanette (le côtre de M. Turcat), Touriste( de 1859, à Léopold Bucquet) et Olga (de 1858, à Eugène Tripet-Skrypitzine, consul à St Petersbourg)

10 régates en voile latine (26 bateaux venus du Havre, Nice, St Raphael et Toulon) ou liberté de voilure pour bateaux pontés et semi-pontés.

5 régates à l’aviron pour 4 ou 8 rameurs sur baleinière, gig ou yoles.

Notons que ces yachts, ainsi que Fantaisie, au Duc de Vallombrosa, ont été dessiné par H. Arluc.

Le soir du 25 avril 1859 après la régate la scène se déroule chez le Chevallier britannique James de Colquhoun qui accueille dans sa ville de la Croix-des-Gardes le Prince EugèneTripet-Skrypitzine, ancien consul de France à Moscou, Léopold Bucquet propriétaire de la villa Montfleury  et Victor Béchar industriel à la retraite.

Tous quatre partagent la même passion pour la navigation de plaisance. Rassemblés en ce même jour où l’on célébrait le succès de la régate de pâques qui allait devenir la plus ancienne course de voiliers de plaisance que connut la rade de Cannes, ils décident de créer un club destiné « encourager le goût des exercices et des courses nautiques et exciter l’émulation parmi les gens de mer. »

Léopold Bucquet, Lord Brougham, EugèneTripet-Skrypitzine, James de Colquhoun et Victor Béchar créent en janvier 1860 la Société des Régates de Cannes avec statutd et une cinquantaine de souscripteurs en s’inspirant du Royal Yacht Squadron (Cowes 1812) et de la Société des Régates du Havre fondé en 1838 (le Yacht Club de France ne verra le jour qu’en 1867). M. de Jouvenel en assume la présidence et M. Bucquet la vice-présidence.

Une grande régate est organisée le 15 août 1860 jour de la fête de l’Empereur Napoléon III.

1861- Course à l’aviron et régates avec les bateaux de guerre de la Royale, Osliaba, bateaux de guerre russes, des clippers de 13 mètres, des flat boats de 7 mètres, des cutters de 8 mètres et des clippers à dérive.

1863. Richard Mari Jean Étienne Manca-Amat, Duc de Vallombrosa, remplace M. de Jouvenel à la présidence. Léopold Bucquet vient de décéder et une régate spectaculaire portant son nom est organisé la même année entre quatre gros yachts. Hosnet, de 140 tonneaux, à M. Moos, du Royal Squadron remporte la victoire face à Glean (150 tx), Queen of the Island (70 tx) et Cutler (60 tx).

Des membres de la S.R.C achètent, par le biais d’une SCI, 3 000 mètres carrés sur la croisette et font construire le cercle nautique sur les plans des architectes Baron et Blond. Inauguré le 1^er octobre 1864 il sera le foyer de la vie mondaine pendant 75 ans. L’édifice disparaître en 1946. A son emplacement sera construit le premier Palais des Festivals, lui-même remplacé par le Noga-Hilton, actuel Palais Stéphanie.

En 1867 le Duc de Vallombrosa  prend la présidence du tout nouveau Yacht Club de France. Loin d’en rester là le Duc et le conseil d’administration de SRC fondèrent une section spécifique, le Yacht Club, ayant pour objet « le développement et l’encouragement de la navigation de plaisance sur le littoral ».

30 partants pour la coupe Léopold Bucquet, et une coupe des dames offerte par l’Impératrice de Russie. Le marquis d’Albelcom, Lord Mount, le Prince Sayen-Wittzinstein, Giquel des Touches sont présents.

1868- Mort de lord Brougham, le 7 mai.

1869- 100 voiliers de course sont engagés, dont, parmi 50 yachts,  le Coellina, de 400 tonneaux, le Temps, venu de Paris par les canaux, le Printemps venus de Bordeaux par le canal du midi et la mer, le Lutin d’Argenteuil. La France, l’Angleterre, la Russie, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, et l’Autriche sont représentées.

La guerre de 1870 Marque un arrêt.

Il faut attendre 1872 pour voir renaître la plaisance à Cannes, mais participation reste faible jusqu’en 1876, année où la reine de Hollande assiste aux régates et donne des prix.

1878- Retour des régates à l’aviron (50 embarcations de la Royale), et quelques ennuis pour les voiliers : Henriette coule, Touristes et abordé, deux autres yacht chavirent mais peuvent être remorqués.

1879- Les voiliers ont cinq courses à disputer pour ces régates consacrées au 10^e anniversaire de la mort de Lord Brougham.

1880- Des régates exceptionnelles cette année-là :le Prince de Galles sur le Britannia vient se mesurer à l’Aîlsa de M. Walker au Satanita de D. Rose, au Bona du Duc des Abruzzes. Cannes hérite alors de l’appellation de « Cowes de la méditerranée » en référence à la baie de Cowes, port anglais de l’île de wight où se déroulaient les plus importantes régates internationales.

1882. Terrible tempête le 27 octobre faisant six morts.

Entre 1881 et 1890 les principaux yachts qui anime le plan d’eau sont : Phare, Alcyon, Boule de Neige, Zéphyr, Ville de Marseille, Jean-Baptiste. En cette période, Guy de Maupassant a possédé trois bateaux cannois tous rebaptisé : « Bel Ami »,une baleinière nommée Louisette, puis l’ex-Flamberge, 11 mètres hors-tout, construit en 1881, vainqueur à Monaco en 1882, devenu l’Audacieux, et enfin Zingara, un yawl de 15 mètres dont le vaste salon est plus apte à la réception des « petites comtesse »...

La Société des Régates de Cannes disparaît en 1887 suite à des dissensions politiques. Elle est aussitôt remplacée par un nouveau club , la Société Nautique de Cannes, créées par la ville, qui s’attirent des critiques sévères jusqu’à la création en 1891 de l’Union des Yachtsmen de Cannes.